Chapitre
3
Comme
Un
Poisson
dans l’Eau
Les portes coulissantes automatiques
s’ouvrirent. Marc Smith était en tête du groupe, juste devant John. La famille
entra dans le Hilton Isla Nublar Resort.
Ils trainaient leurs lourdes valises derrière eux. Les roulettes produisaient
un son sur le carrelage en pierre noire non sans rappeler celui d’un train sur
les rails.
Le hall de l’hôtel était extrêmement
lumineux grâce à ses larges et hautes vitres soutenues par des poutres
métalliques peintes en blanc. Dehors, à
travers les vitres, l’île dans toute sa splendeur : soleil, montagnes,
végétation luxuriante, le lagon, d’autres bâtiments de plusieurs étages. Le
carrelage noir était vraiment propre, un parfum frais flottait dans l’air.
On pouvait remarquer la réception prise
d’assaut par les nombreux touristes qui attendaient pour obtenir leurs chambres.
Les Smith en faisait parti, mélangés à d’autres américains, à des japonais, des
russes, des français… La plupart avaient la tête baissée dans la brochure de Jurassic World, observant la carte, ses
informations, les logos. Certains semblaient vraiment enthousiastes en
remarquant certaines attractions qui leurs donnaient envie.
John savait laquelle il avait envie de
voir en premier : le Mosasaur
Feeding Show !
Ce fut alors le tour des Smith. La
réception était composée d’un présentoir en bois foncé, imitant l’écorce d’un
arbre. Derrière était agencée une longue armoire en bois clair avec de nombreux
tiroirs.
Marc s’approcha en premier, devant la
réceptionniste. Elle arborait une chemise marron rentrée dans sa jupe beige. Un
badge en forme du logo de Jurassic World
-qu’à la place du nom du parc était noté « Julia »- était accroché
sur sa poitrine, côté droit.
- Bonjour, fit-elle aux Smith, et bienvenue
au Hilton Isla Nublar Resort !
- Bonjour, nous avons réservé deux
chambres au nom de « Marc Smith » s’il vous plait, dit alors Marc.
Julia hocha la tête en guise de
« oui » et pianota sur son
ordinateur.
- Marc Smith, né le 28 mai 1969, commande
n°165F ? demanda-t-elle, les yeux rivés sur l’écran de l’ordinateur.
Marc regarda son ticket de réservation.
-
C’est bien ça, dit-il.
La réceptionniste se retourna et tira l’un
des tiroirs de l’armoire. Elle balada ses doigts à travers les clefs
magnétiques, en saisit deux et les tendit à Marc.
- Nous avons été surclassé ?
Interrogea celui-ci avec humour.
Julia fit un sourire et répondit :
- Non, vous n’aurez pas la suite John
Hammond. Mais vous aurez les chambres 306 et 307 !
La
suite John Hammond ! Pensa
John. Cette suite est mythique. Barack
Obama, Nelson Mandela, Léonardo DiCaprio… Tant de célébrités avaient séjourné dans cette suite ! Rien que
le nom représente à merveille cette dernière. L’homme qui ramena à la vie une
espèce disparue depuis des millions d’années ! Et son discours en 1997
après l’accident de San Diego !
Je n’étais pas né mais ce discours était aussi connu que celui de John
Fitzgerald Kennedy à Berlin en 1963. Puis
Simon Masrani réalisa le souhait qu’avait confié d’Hammond avant sa mort en 1997, avec l’ouverture de Jurassic World en 2005.
- C’est déjà bien, articula Marc, ne
savant plus quoi dire.
Derrière eux, Lizzy et Clarissa
commençaient à s’impatienter. Elles soufflaient, regardaient l’heure toutes les
10 secondes, secouaient leurs pieds nerveusement… Quand Marc se retourna, elles
utilisaient leurs brochures comme des éventails. Elles avaient très chaud.
- Papa, dis-moi qu’il y a la
climatisation, demanda Clarissa.
Marc passa devant elle sans rien dire. Ce
qui eu pour effet d’énerver sa fille et de faire rire John. Finalement Marc lui
répondit sèchement :
- De toute façon on ne va pas passer nos
journées dans l’hôtel, Clarissa.
- Tu ne réponds pas à ma question
papa !
- Merci de me le rappeler, j’avais déjà
oublié.
Marc sourit et sa femme aussi, ils
aimaient taquiner leur fille, leur premier enfant.
Ils prirent ensuite les escalators pour
rejoindre une mezzanine où se trouvaient quelques magasins, librairies, à leur
gauche. Ils allèrent à droite et prirent l’ascenseur. Ils étaient serrés comme
des animaux dans cette cage suspendue. Un petit air de jazz était diffusé, puis
une sonnette retentit. Les portes coulissantes de l’ascenseur s’ouvrirent, ils
purent enfin respirer !
Ils marchèrent dans un couloir du 5ème
étage, accompagnés de leurs fidèles valises. Le sol était recouvert d’une douce
moquette verte récemment aspirée. Elle était douce et tendre à tel point que
les Smith avaient l’impression de marcher sur un nuage. Les murs étaient
blancs, même pas une tâche. En même temps
c’est un hôtel 5 étoiles, se dit John.
Marc s’approcha de la chambre n°306 et
sorti la clef magnétique de la porte. Il s’agissait d’une carte qu’il glissa
dans une petite fente au dessus de la poignée. Un Bip se produit et une diode passa au vert. Marc ouvrît la porte.
- Voici votre chambre, annonça-t-il à John
et Clarissa.
Ces derniers rentrèrent sans attendre. Ils
passèrent un petit couloir et débouchèrent dans la chambre.
Deux grands lits étaient collés au mur de
droite, un énorme écran plat était accroché au mur à gauche. En dessous un
meuble avait était installé, on y trouvait dessus une brochure, la liste des
chaines de différents pays, le menu du restaurant panoramique Pteradon Deck perché au toit de l’hôtel…
Les murs étaient tapissés de bois qui
rappelait une nouvelle fois l’écorce des arbres. Tout semblait neuf, comme si
l’hôtel avait ouvert il y a quelques jours. Une baie vitrée coulissante se
trouvait au fond de la pièce et donnait sur la gare de monorail en contrebas et
la jungle au loin.
Clarissa posa sa valise sur le lit pendant
que John poursuivait l’exploration de la chambre d’hôtel. Marc entra à son
tour, laissant Lizzy, seule, dans le couloir.
- Je vous pose votre clef sur le meuble sous
la télé, fit-il en effectuant l’action.
- Pas de problème, lui répondit John qui
se trouvait dans la salle de bain. On se retrouve où ?
Marc réfléchît un instant.
- Et bien… Dans 10 minutes on vient vous
chercher, le temps de sortir 2 ou 3 trucs.
Il sortît de la chambre et Clarissa se
laissa tomber dans le lit de droite.
*
La chaleur… L’objectif de la plupart des
vacanciers. Mais quand ils arrivent à destination, ils commencent à s’en
plaindre, souffler, se lamenter. La chaleur, elle rentre, passe, partout.
Traverse, se faufile partout jusqu’à ce que vous soyez noyé de sueur. C’est
alors que vos habits vous collent, votre t-shirt blanc devient alors presque
transparent dans le haut du dos, sous les aisselles, sur la poitrine.
Il
était 11h05 et John se trouvait exactement dans cette situation. Il faisait la
queue, lui et sa famille, dans la file d’attente, sous le soleil de plomb. Et
l’engorgement de l’attraction n’arrangeait pas les choses. Les visiteurs
étaient collés, les uns contre les autres tel un troupeau.
La sueur… Voila ce qui arrivait aux
narines de John. Une odeur désagréable qui non seulement venait de lui –à son
grand regret- mais aussi des autres, empestait le coin.
Cela faisait 10 minutes que les Smith
attendaient là, dans la file du Mosasaur
feeding Show. Grâce à leurs RaptorPass
-des bracelets de différentes couleurs qui leurs permettaient de doubler ceux
qui n’en disposent pas dans les attractions- leurs avaient permit de gagner au
moins 30 minutes d’attente par rapport aux autres.
Les visiteurs zigzaguaient, entre deux barrières
en bois peints en marron, pendant une cinquantaine de mètres à travers quelques
palmiers qui apportaient des zones d’ombre par endroits. Ils arrivaient ensuite
au dos d’une tribune géant. Plusieurs piliers en béton armé supportaient la
lourde structure, laissant alors passer les touristes pour qu’ils puissent
s’installer.
Après avoir été aidé par quelques employés
du parc, Marc se dirigea alors vers un autre escalier en béton. Des affiches
orange et bleues montraient la taille du Mosasaure,
ainsi que des documents sur lui.
Ils sortirent alors du tunnel frais et
débouchèrent une nouvelle fois sous le soleil. Le lagon s’étendait face à eux,
avec ses eaux claires par endroits et bleues foncées à d’autres. Plus loin, à
200 mètres, se dressait une clôture électrifiée de 3 mètres de haut montrant
alors la limite de l’espace réservé au gigantesque reptile marin. Plus loin
encore : les plages bondées, les palmiers, les hôtels, le ciel bleu sans
aucun nuages.
John et les autres prirent place vers le
centre de la tribune en arc de cercle, sur les sièges encore humides.
- Enfin ! S’écria John, soulagé
d’être enfin arrivé. Notre première attraction.
- Ce week-end va être incroyable, fit Marc
à son fils.
Clarissa commença à se lamenter, comme à
son habitude.
- Bon, ça commence quand alors ?
Demanda-t-elle.
Lizzy la fusilla du regard. Clarissa
comprit immédiatement ce qu’elle voulait dire : Tiens-toi à carreau sinon tu sais ce qu’il t’attend à la maison.
Elle serait alors privée de sortie avec ses amis, confiscation de son portable…
En d’autres mots : l’enfer.
John observa les lieux. Il pouvait voir
devant lui, dans le lagon, une sorte de grande poutre métallique de plusieurs
dizaines de mètres de haut. Deux câbles étaient reliés au toit vouté de la
tribune. A cet endroit, John vît deux hommes, dont un talkie-walkie à la main,
portant un casque de chantier blanc et une tenue de poissonnier bleu. Le jeune homme vit alors que l’autre employé
en tenue de poissonnier était en train d’attacher un hameçon à quelque chose
que John n’arrivait pas à discerner de sa position.
- Heureusement qu’il y a un peu de vent,
dit alors Marc, sinon nous serions cuit.
John se tourna alors vers son père et lui
sourit.
Il aperçut ensuite une sorte de grand
balcon devant lui, un peu en contrebas, avec des rambardes métalliques. Il
s’étendait au dessus du lagon sur 2-3 mètres. La clôture électrifiée qui
protégeait la tribune près du lagon le protégeait également.
Puis une femme avec un t-shirt bleu foncé
et un badge Jurassic World déboucha
d’une porte près de quelques personnes confortablement installés sur leurs
sièges. Elle continua d’avancer jusqu’à arriver au bout du balcon.
Ses cheveux bruns étaient attachés en
queue de cheval et un micro partait de son oreille à sa bouche.
- Bonjour à tous, fit-elle, et bienvenue
au Mosasaur Feeding Show !
Sa voix sortait des nombreuses enceintes
de la tribune. Le brouhaha des visiteurs s’arrêta net pour écouter la femme.
- Aujourd’hui nous allons nourrir un
mastodonte des mers. Un reptile marin du Crétacé : le Mosasaure ! Celui-ci pouvait mesurer jusqu’à 17 mètres de long
et peser jusqu’à 5 tonnes. Le Mosasaure
se nourrissait de tout ce qui passait à sa portée, que ce soit des tortues ou
bien des petits Mosasaures. Je vous
préviens, elle un peu timide, n’hésitez pas à l’encourager !
Quand elle dit ça, un bruit interpela
John. Il leva la tête et compris qu’il s’agissait des câbles. Il se tourna donc
vers l’espace situé sous le toit qu’il avait aperçu tout à l’heure.
Un des hommes avait le pied gauche posé
sur une bordure métallique, le genou gauche plié à 90°. Son coude gauche était
posé sur ce genou et portait le talkie-walkie à la bouche. Il scrutait le câble
avec attention et faisait des signes du bras droit –d’avant en arrière- à
l’homme à côté de lui qui tenait une console pleine de boutons entre les mains.
John vît alors un requin suspendu par la
queue, avec un hameçon, descendre lentement le câble jusqu’à arriver au-dessus
du lagon.
- Regarde John, fit Marc en lui tapant sur
l’épaule. J’ai lu sur un des documents accrochés aux murs, que ces requins
étaient clonés au sein du parc pour éviter d’aller en pêcher en...
Il n’eut même pas le temps de finir sa
phrase qu’un grognement puissant le coupa et secoua ses entrailles. Tout le
monde était impressionné par ce qu’il se passait devant leurs yeux.
Face à eux, le Mosasaure était en train de bondir. Sa longue gueule s’ouvrit puis
se referma brutalement sur le pauvre requin. Puis l’énorme animal se laissa
tomber et, lorsque sa tête se claqua contre l’eau, produisit une
impressionnante vague de plusieurs mètres de haut qui s’abattît sur les
visiteurs qui en raffolaient.
John était une nouvelle fois émerveillé et
heureux. Il était trempé de la tête aux pieds mais cette vague était une
bénédiction. Marc et Lizzy pouffaient de rire, ils ne s’y attendaient –comme la
plupart des visiteurs- vraiment pas. Clarissa levait les mains en l’air, comme
si elle priait. Son maquillage coulait sur ses joues mouillées.
- J’ai mis 30 minutes pour me maquiller et
voila le travaille, se plaignît-elle en regardant ses mains pleines de
maquillage.
Soudain, un bruit aigue. Le même son que
produit un mécanisme rouillé. Puis les gradins commencèrent à descendre
lentement.
- Il est temps pour nous de voir notre Mosasaure d’un peu plus prêt, fit
l’animatrice.
Les gradins poursuivirent leur descente
avant de s’arrêter. Les touristes se retrouvèrent face à une immense vitrine,
de la taille d’un grand écran de cinéma. On pouvait admirer à travers l’eau
transparente et bleue du lagon. Les rayons du soleil la traversaient.
Le mosasaure était un reptile marin qui
régnait dans les océans du Crétacé. Sa queue constituait son principal
organe de propulsion. Il disposait de nageoires qui lui servaient probablement
à se stabiliser et à se diriger. Il était également doté d'une mâchoire pharyngienne, c’est-à-dire qu’il
possédait deux rangées de dents. Grâce à cela, une fois que la proie était
attrapée, elle ne pouvait plus s’échappe. Le régime alimentaire du Mosasaurus était variable mais il
appréciait beaucoup le poisson.
Le requin descendait très lentement vers
le fond du lagon, suivit d’un filet de sang pourpre quand le reptile marin
réapparût. Sa queue ondulait de gauche à droite pour qu’il puisse se propulser.
Il ouvrit la gueule et attrapa l’animal. Il le secoua puis l’avala.
John sentit le regard du Mosasaure se poser sur lui un instant. M’a-t-il vu ? Que pensait-il de
moi ? Ce sont les questions qu’il se posait à ce moment précis.
Les gens bondissaient de leurs siège,
criaient, prenaient en photo devant le monstre préhistorique, filmaient…
Les gradins remontèrent doucement puis les
visiteurs quittèrent la tribune, souriants. John et Marc étaient en tête,
tandis que Lizzy et Clarissa les suivaient quelques mètres derrières.
- Combien de fois voit-on ça dans notre
vie ? Demanda Marc encore sous le choc.
- Tout dépend si tu aimes regarder la télé
ou pas, répondit son fils.
- Ou est le plaisir alors ? Quand on regarde
la télé on ne sent pas son corps vibrer, être secoué par l’imposant animal…
John ne savait pas quoi lui répondre et
lui sourit bêtement.
Ils arrivèrent dehors, dans l’autre sens
que la file d’attente. Les touristes qui attendaient toujours les pointaient du
doigt. Ils savaient qu’eux aussi allaient y passer.
Arrivé à la sortie de l’attraction, John
demanda à son père :
- Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?
- Ce que tu veux, lui répondit-il.
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