mercredi 20 avril 2016

Chapitre 3: Comme un poisson dans l'eau

Chapitre 3
Comme Un
Poisson dans l’Eau



     Les portes coulissantes automatiques s’ouvrirent. Marc Smith était en tête du groupe, juste devant John. La famille entra dans le Hilton Isla Nublar Resort. Ils trainaient leurs lourdes valises derrière eux. Les roulettes produisaient un son sur le carrelage en pierre noire non sans rappeler celui d’un train sur les rails.
     Le hall de l’hôtel était extrêmement lumineux grâce à ses larges et hautes vitres soutenues par des poutres métalliques peintes en blanc.  Dehors, à travers les vitres, l’île dans toute sa splendeur : soleil, montagnes, végétation luxuriante, le lagon, d’autres bâtiments de plusieurs étages. Le carrelage noir était vraiment propre, un parfum frais flottait dans l’air.
     On pouvait remarquer la réception prise d’assaut par les nombreux touristes qui attendaient pour obtenir leurs chambres. Les Smith en faisait parti, mélangés à d’autres américains, à des japonais, des russes, des français… La plupart avaient la tête baissée dans la brochure de Jurassic World, observant la carte, ses informations, les logos. Certains semblaient vraiment enthousiastes en remarquant certaines attractions qui leurs donnaient envie.
     John savait laquelle il avait envie de voir en premier : le Mosasaur Feeding Show !
    Ce fut alors le tour des Smith. La réception était composée d’un présentoir en bois foncé, imitant l’écorce d’un arbre. Derrière était agencée une longue armoire en bois clair avec de nombreux tiroirs.
     Marc s’approcha en premier, devant la réceptionniste. Elle arborait une chemise marron rentrée dans sa jupe beige. Un badge en forme du logo de Jurassic World -qu’à la place du nom du parc était noté « Julia »- était accroché sur sa poitrine, côté droit.
     - Bonjour, fit-elle aux Smith, et bienvenue au Hilton Isla Nublar Resort !
     - Bonjour, nous avons réservé deux chambres au nom de « Marc Smith » s’il vous plait, dit alors Marc.
     Julia hocha la tête en guise de « oui » et pianota sur  son ordinateur.
     - Marc Smith, né le 28 mai 1969, commande n°165F ? demanda-t-elle, les yeux rivés sur l’écran de l’ordinateur.
     Marc regarda son ticket de réservation.
     -  C’est bien ça, dit-il.
     La réceptionniste se retourna et tira l’un des tiroirs de l’armoire. Elle balada ses doigts à travers les clefs magnétiques, en saisit deux et les tendit à Marc.
     - Nous avons été surclassé ? Interrogea celui-ci avec humour.
     Julia fit un sourire et répondit :
     - Non, vous n’aurez pas la suite John Hammond. Mais vous aurez les chambres 306 et 307 !
     La suite John Hammond ! Pensa John. Cette suite est mythique. Barack Obama, Nelson Mandela, Léonardo DiCaprio… Tant de célébrités avaient séjourné dans cette suite ! Rien que le nom représente à merveille cette dernière. L’homme qui ramena à la vie une espèce disparue depuis des millions d’années ! Et son discours en 1997 après l’accident de San Diego ! Je n’étais pas né mais ce discours était aussi connu que celui de John Fitzgerald Kennedy à Berlin en 1963. Puis Simon Masrani réalisa le souhait qu’avait confié  d’Hammond avant sa mort en 1997, avec l’ouverture de Jurassic World en 2005.
     - C’est déjà bien, articula Marc, ne savant plus quoi dire.
     Derrière eux, Lizzy et Clarissa commençaient à s’impatienter. Elles soufflaient, regardaient l’heure toutes les 10 secondes, secouaient leurs pieds nerveusement… Quand Marc se retourna, elles utilisaient leurs brochures comme des éventails. Elles avaient très chaud.
     - Papa, dis-moi qu’il y a la climatisation, demanda Clarissa.
     Marc passa devant elle sans rien dire. Ce qui eu pour effet d’énerver sa fille et de faire rire John. Finalement Marc lui répondit sèchement :
     - De toute façon on ne va pas passer nos journées dans l’hôtel, Clarissa.
     - Tu ne réponds pas à ma question papa !
     - Merci de me le rappeler, j’avais déjà oublié.
     Marc sourit et sa femme aussi, ils aimaient taquiner leur fille, leur premier enfant.
     Ils prirent ensuite les escalators pour rejoindre une mezzanine où se trouvaient quelques magasins, librairies, à leur gauche. Ils allèrent à droite et prirent l’ascenseur. Ils étaient serrés comme des animaux dans cette cage suspendue. Un petit air de jazz était diffusé, puis une sonnette retentit. Les portes coulissantes de l’ascenseur s’ouvrirent, ils purent enfin respirer !
     Ils marchèrent dans un couloir du 5ème étage, accompagnés de leurs fidèles valises. Le sol était recouvert d’une douce moquette verte récemment aspirée. Elle était douce et tendre à tel point que les Smith avaient l’impression de marcher sur un nuage. Les murs étaient blancs, même pas une tâche. En même temps c’est un hôtel 5 étoiles, se dit John.
     Marc s’approcha de la chambre n°306 et sorti la clef magnétique de la porte. Il s’agissait d’une carte qu’il glissa dans une petite fente au dessus de la poignée. Un Bip se produit et une diode passa au vert. Marc ouvrît la porte.
     - Voici votre chambre, annonça-t-il à John et Clarissa.
     Ces derniers rentrèrent sans attendre. Ils passèrent un petit couloir et débouchèrent dans la chambre.
    Deux grands lits étaient collés au mur de droite, un énorme écran plat était accroché au mur à gauche. En dessous un meuble avait était installé, on y trouvait dessus une brochure, la liste des chaines de différents pays, le menu du restaurant panoramique Pteradon Deck perché au toit de l’hôtel…
     Les murs étaient tapissés de bois qui rappelait une nouvelle fois l’écorce des arbres. Tout semblait neuf, comme si l’hôtel avait ouvert il y a quelques jours. Une baie vitrée coulissante se trouvait au fond de la pièce et donnait sur la gare de monorail en contrebas et la jungle au loin.
     Clarissa posa sa valise sur le lit pendant que John poursuivait l’exploration de la chambre d’hôtel. Marc entra à son tour, laissant Lizzy, seule, dans le couloir.
     - Je vous pose votre clef sur le meuble sous la télé, fit-il en effectuant l’action.
     - Pas de problème, lui répondit John qui se trouvait dans la salle de bain. On se retrouve où ?
     Marc réfléchît un instant.
     - Et bien… Dans 10 minutes on vient vous chercher, le temps de sortir 2 ou 3 trucs.
     Il sortît de la chambre et Clarissa se laissa tomber dans le lit de droite.

*

     La chaleur… L’objectif de la plupart des vacanciers. Mais quand ils arrivent à destination, ils commencent à s’en plaindre, souffler, se lamenter. La chaleur, elle rentre, passe, partout. Traverse, se faufile partout jusqu’à ce que vous soyez noyé de sueur. C’est alors que vos habits vous collent, votre t-shirt blanc devient alors presque transparent dans le haut du dos, sous les aisselles, sur la poitrine.
     Il était 11h05 et John se trouvait exactement dans cette situation. Il faisait la queue, lui et sa famille, dans la file d’attente, sous le soleil de plomb. Et l’engorgement de l’attraction n’arrangeait pas les choses. Les visiteurs étaient collés, les uns contre les autres tel un troupeau.
     La sueur… Voila ce qui arrivait aux narines de John. Une odeur désagréable qui non seulement venait de lui –à son grand regret- mais aussi des autres, empestait le coin.
     Cela faisait 10 minutes que les Smith attendaient là, dans la file du Mosasaur feeding Show. Grâce à leurs RaptorPass -des bracelets de différentes couleurs qui leurs permettaient de doubler ceux qui n’en disposent pas dans les attractions- leurs avaient permit de gagner au moins 30 minutes d’attente par rapport aux autres.
     Les visiteurs zigzaguaient, entre deux barrières en bois peints en marron, pendant une cinquantaine de mètres à travers quelques palmiers qui apportaient des zones d’ombre par endroits. Ils arrivaient ensuite au dos d’une tribune géant. Plusieurs piliers en béton armé supportaient la lourde structure, laissant alors passer les touristes pour qu’ils puissent s’installer.
     Après avoir été aidé par quelques employés du parc, Marc se dirigea alors vers un autre escalier en béton. Des affiches orange et bleues montraient la taille du Mosasaure, ainsi que des documents sur lui.
     Ils sortirent alors du tunnel frais et débouchèrent une nouvelle fois sous le soleil. Le lagon s’étendait face à eux, avec ses eaux claires par endroits et bleues foncées à d’autres. Plus loin, à 200 mètres, se dressait une clôture électrifiée de 3 mètres de haut montrant alors la limite de l’espace réservé au gigantesque reptile marin. Plus loin encore : les plages bondées, les palmiers, les hôtels, le ciel bleu sans aucun nuages.
     John et les autres prirent place vers le centre de la tribune en arc de cercle, sur les sièges encore humides.
     - Enfin ! S’écria John, soulagé d’être enfin arrivé. Notre première attraction.
     - Ce week-end va être incroyable, fit Marc à son fils.
     Clarissa commença à se lamenter, comme à son habitude.
     - Bon, ça commence quand alors ? Demanda-t-elle.
     Lizzy la fusilla du regard. Clarissa comprit immédiatement ce qu’elle voulait dire : Tiens-toi à carreau sinon tu sais ce qu’il t’attend à la maison. Elle serait alors privée de sortie avec ses amis, confiscation de son portable… En d’autres mots : l’enfer.
     John observa les lieux. Il pouvait voir devant lui, dans le lagon, une sorte de grande poutre métallique de plusieurs dizaines de mètres de haut. Deux câbles étaient reliés au toit vouté de la tribune. A cet endroit, John vît deux hommes, dont un talkie-walkie à la main, portant un casque de chantier blanc et une tenue de poissonnier bleu.  Le jeune homme vit alors que l’autre employé en tenue de poissonnier était en train d’attacher un hameçon à quelque chose que John n’arrivait pas à discerner de sa position.
     - Heureusement qu’il y a un peu de vent, dit alors Marc, sinon nous serions cuit.
     John se tourna alors vers son père et lui sourit.
     Il aperçut ensuite une sorte de grand balcon devant lui, un peu en contrebas, avec des rambardes métalliques. Il s’étendait au dessus du lagon sur 2-3 mètres. La clôture électrifiée qui protégeait la tribune près du lagon le protégeait également. 
     Puis une femme avec un t-shirt bleu foncé et un badge Jurassic World déboucha d’une porte près de quelques personnes confortablement installés sur leurs sièges. Elle continua d’avancer jusqu’à arriver au bout du balcon.
     Ses cheveux bruns étaient attachés en queue de cheval et un micro partait de son oreille à sa bouche.
     - Bonjour à tous, fit-elle, et bienvenue au Mosasaur Feeding Show !
     Sa voix sortait des nombreuses enceintes de la tribune. Le brouhaha des visiteurs s’arrêta net pour écouter la femme.
     - Aujourd’hui nous allons nourrir un mastodonte des mers. Un reptile marin du Crétacé : le Mosasaure ! Celui-ci pouvait mesurer jusqu’à 17 mètres de long et peser jusqu’à 5 tonnes. Le Mosasaure se nourrissait de tout ce qui passait à sa portée, que ce soit des tortues ou bien des petits Mosasaures. Je vous préviens, elle un peu timide, n’hésitez pas à l’encourager !
     Quand elle dit ça, un bruit interpela John. Il leva la tête et compris qu’il s’agissait des câbles. Il se tourna donc vers l’espace situé sous le toit qu’il avait aperçu tout à l’heure.
     Un des hommes avait le pied gauche posé sur une bordure métallique, le genou gauche plié à 90°. Son coude gauche était posé sur ce genou et portait le talkie-walkie à la bouche. Il scrutait le câble avec attention et faisait des signes du bras droit –d’avant en arrière- à l’homme à côté de lui qui tenait une console pleine de boutons entre les mains.
     John vît alors un requin suspendu par la queue, avec un hameçon, descendre lentement le câble jusqu’à arriver au-dessus du lagon.
     - Regarde John, fit Marc en lui tapant sur l’épaule. J’ai lu sur un des documents accrochés aux murs, que ces requins étaient clonés au sein du parc pour éviter d’aller en pêcher en...
     Il n’eut même pas le temps de finir sa phrase qu’un grognement puissant le coupa et secoua ses entrailles. Tout le monde était impressionné par ce qu’il se passait devant leurs yeux.
     Face à eux, le Mosasaure était en train de bondir. Sa longue gueule s’ouvrit puis se referma brutalement sur le pauvre requin. Puis l’énorme animal se laissa tomber et, lorsque sa tête se claqua contre l’eau, produisit une impressionnante vague de plusieurs mètres de haut qui s’abattît sur les visiteurs qui en raffolaient.
     John était une nouvelle fois émerveillé et heureux. Il était trempé de la tête aux pieds mais cette vague était une bénédiction. Marc et Lizzy pouffaient de rire, ils ne s’y attendaient –comme la plupart des visiteurs- vraiment pas. Clarissa levait les mains en l’air, comme si elle priait. Son maquillage coulait sur ses joues mouillées.
     - J’ai mis 30 minutes pour me maquiller et voila le travaille, se plaignît-elle en regardant ses mains pleines de maquillage.
     Soudain, un bruit aigue. Le même son que produit un mécanisme rouillé. Puis les gradins commencèrent à descendre lentement.
     - Il est temps pour nous de voir notre Mosasaure d’un peu plus prêt, fit l’animatrice.
     Les gradins poursuivirent leur descente avant de s’arrêter. Les touristes se retrouvèrent face à une immense vitrine, de la taille d’un grand écran de cinéma. On pouvait admirer à travers l’eau transparente et bleue du lagon. Les rayons du soleil la traversaient.
     Le mosasaure était un reptile marin qui régnait dans les océans du Crétacé. Sa queue constituait son principal organe de propulsion. Il disposait de nageoires qui lui servaient probablement à se stabiliser et à se diriger. Il était également doté d'une mâchoire pharyngienne, c’est-à-dire qu’il possédait deux rangées de dents. Grâce à cela, une fois que la proie était attrapée, elle ne pouvait plus s’échappe. Le régime alimentaire du Mosasaurus était variable mais il appréciait beaucoup le poisson.
     Le requin descendait très lentement vers le fond du lagon, suivit d’un filet de sang pourpre quand le reptile marin réapparût. Sa queue ondulait de gauche à droite pour qu’il puisse se propulser. Il ouvrit la gueule et attrapa l’animal. Il le secoua puis l’avala.
     John sentit le regard du Mosasaure se poser sur lui un instant. M’a-t-il vu ? Que pensait-il de moi ? Ce sont les questions qu’il se posait à ce moment précis.
     Les gens bondissaient de leurs siège, criaient, prenaient en photo devant le monstre préhistorique, filmaient…
     Les gradins remontèrent doucement puis les visiteurs quittèrent la tribune, souriants. John et Marc étaient en tête, tandis que Lizzy et Clarissa les suivaient quelques mètres derrières.
     - Combien de fois voit-on ça dans notre vie ? Demanda Marc encore sous le choc.
     - Tout dépend si tu aimes regarder la télé ou pas, répondit son fils.
     - Ou est le plaisir alors ? Quand on regarde la télé on ne sent pas son corps vibrer, être secoué par l’imposant animal…
     John ne savait pas quoi lui répondre et lui sourit bêtement.
     Ils arrivèrent dehors, dans l’autre sens que la file d’attente. Les touristes qui attendaient toujours les pointaient du doigt. Ils savaient qu’eux aussi allaient y passer.
     Arrivé à la sortie de l’attraction, John demanda à son père :
     - Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?

     - Ce que tu veux, lui répondit-il.

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