mercredi 13 avril 2016

Chapitre 2: Rangers

Chapitre 2
Rangers



     Un homme d’une trentaine d’années attendait dans une petite salle d’attente. Il s’agissait de Daryl Blake, un Rangers travaillant à Jurassic World, de 36 ans, les cheveux bruns. Il portait la tenue réglementaire des Rangers du parc. C'est-à-dire une chemise couleur caramel avec le logo bleu du parc, accompagné d’un foulard bleu turquoise, un pantalon marron, une paire de rangers et un chapeau caramel.
     Soudain, une porte s’ouvrit brusquement dans la petite salle. Les chaises en métal étaient collées au mur côte à côte tandis que des magazines et des brochures reposaient sur une petite table en verre, au centre de la pièce. Sur les murs beiges étaient accrochés différents cadres dont un qui affichait la carte d’Isla Nublar, montrant les différentes infrastructures publiques et privées de l’île.
     Daryl se tourna vers la porte qui venait de s’ouvrir sur sa droite et reposa le magasine qu’il feuilletait sur la petite table. Un homme, arabe, aux cheveux noirs, de faible corpulence, sortit de la pièce d’à coté.
     - Monsieur Blake, je présume ?
     Daryl fit un geste de la tête pour acquiescer et se leva, face à l’homme.
     - Allez-y rentrez je vous prie,  dit-il en serrant la main de son invité.
     Daryl entra timidement dans le bureau suivi par l’homme et retira son chapeau de Rangers par politesse. Peter McGonha lui emboîta le pas et s’assit tout en priant Daryl de s’assoir lui aussi.
     Le bureau de monsieur McGonha était de taille raisonnable, sentait le propre et était très lumineux. Jamais Daryl Blake n’avait vu un aussi beau bureau de toute sa vie. S’il avait appartenu à moi, il serait très mal rangé et sentirait le renfermé à coup sûr pensa-t-il avec humour. Tout était rangé, rien ne trainait ! Aucune feuille, aucun crayon, aucun trombone, même pas une seule poussière ! Des petits cadres étaient posés sur le bureau en bois vernis.
     Daryl s’assit sur un fauteuil face à ce dernier. Peter McGonha le fixait, assit sur sa chaise de bureau en cuir noir. Que pensait-il ? Daryl ne le savait pas. Va t-il me remonter les bretelles ou essayer de me caresser dans le sens du poil ?
     - J’ai reçu votre lettre hier et je voudrais en discuter avec vous monsieur Blake…
     L’homme réfléchit un instant.
     -Ecoutez vous êtes un de nos meilleurs éléments et je ne peux pas vous laisser filer comme ça, ça serait complètement naïf de ma part ! Dit-il.
     Monsieur McGonha avait donc choisi de le caresser dans le sens du poil. Il ne voulait visiblement pas laisser partir Daryl. Cela faisait 6 ans que ce dernier travaillait ici. Daryl Blake était Rangers à Jurassic World, à aider, surveiller, et même sanctionner les visiteurs qui ne respectaient pas le règlement du parc.
     - Dites-moi, pourquoi voulez-vous démissionner ? Quelque chose ne va pas avec nous ? Votre travail est-il trop pénible ? Vous pensez ne pas être assez bien payé ? L’interrogea l’employeur, visiblement très inquiet.
     - A vrai dire je dirais un peu des deux. Mon travail est vraiment épuisant et la chaleur n’arrange rien. En plus je reste des semaines et des semaines ici, loin de ma famille…
     Peter McGonha desserra un peu la cravate de son costume et se gratta la tête. Il semblait vraiment inquiet.
     Derrière lui, contre le mur, était attaché un cadre. Il y était exposé une photo prise dans ce bureau, où l’on pouvait le voir serrer la main de Simon Masrani, directeur de Masrani Global. Derrière les deux hommes, un asiatique les observait. Il s’agissait de Henry Wu, le directeur d’InGen, également scientifique en chef du parc. Cette société, InGen, créatrice de Jurassic Park, avait été rachetée par Simon Masrani à la mort de John Hammond, l’ex PDG d’InGen, en 1997. Claire Dearing, la directrice de Jurassic World, se trouvait à côté de Wu. Tous souriaient. La tradition ou plutôt le protocole…
     McGonha réfléchît une nouvelle fois.
     - Nous vous offrons pourtant Internet, pourquoi ne l’utilisez-vous pas pour les contacter ?
     Daryl Blake ne voulait plus travailler à Jurassic World. La plupart des touristes ne le respectaient pas, jamais de merci, rien ! La chaleur l’épuisait affreusement ce qui faisait atteinte à son moral et ce n’est certainement pas la pauvre connexion internet de l’île et son petit appartement, généreusement prêté par Masrani Global, qui allait le lui remonter. La seule chose qu’il voulait c’était revoir sa famille. Ses enfants et sa femme lui manquaient horriblement et il ne supportait plus.
     - C’est ce que nous faisons mais la connexion n’est vraiment pas bonne, impossible de discuter une minute sans que ça ne se coupe.
     Daryl réfléchissait aux mots qu’il allait employer.
 De toute façon ma décision est prise monsieur McGonha, je pars à la fin de la semaine.
     Daryl Blake se leva mais fut arrêté par son employeur.
     - Attendez ! Nous sommes actuellement en pleine période de Noël, notre fréquentation est quasiment à son maximum et nous avons besoin d’énormément d’employés… Dit alors monsieur McGonha. S’il vous plait restez au moins jusque mi-janvier, quand la fréquentation aura baissé ! En échange, nous vous proposons une prime de 500$.
     Daryl réfléchit longuement. Que pouvait-il faire ? Rester un peu plus longtemps et obtenir la prime ou repartir et revoir sa famille ? Il se dit soudain qu’avec ces 500$ il pourrait faire un cadeau à sa femme et à ses trois enfants. De toute façon qu’est-ce que 3 semaines comparé aux 6 ans qu’il a travaillé ici ?
     - J’accepte votre proposition. Mais après il n’y aura plus de négociations, je partirais. Définitivement. Suis-je bien clair ?
     Le visage de l’employeur s’illumina. Il avait réussi et il en était fier. Il se redressa pour serrer la main de Daryl.
     - Aucun problème. La société vous remercie de votre gentillesse. Je ferais en sorte de parler de vous à monsieur Masrani.
     Il regarde sa montre.
     - D’ailleurs, il doit arriver demain.
     McGonha baissa la tête et observa son costume.
     - Comment trouvez-vous mon costume ? Demanda-t-il.
     Daryl Blake fit alors le même geste que son employeur pour observer le costume. Celui-ci était composé d’une veste noire où était accroché son badge Jurassic World qui indiquait son nom et son rang dans la société. Il portait également une chemise blanche repassée avec soin qui lui allait à merveille. Elle était rentrée dans son jean bleu avec sa ceinture en cuir. Enfin, Peter McGonha portait des chaussures en peau de crocodile.  Certainement pour impressionner ses employés.
     - Elle vous va comme un gant monsieur McGonha, répondit Daryl en souriant.
     Il prît alors la direction de la porte après avoir serré la main du chef des Rangers de Jurassic World.
     Il passa alors dans la salle d’attente puis tourna vers le couloir qui menait à une des sorties. Daryl Blake arriva dans un petit hall et salua Fanny, la secrétaire de Peter McGonha. Après une brève discussion qui portait sur l’arrivée imminente du grand patron de Masrani Global, Daryl sortit du bâtiment et se retrouva enfin dehors.
     Derrière Daryl, l’immeuble abritant les bureaux de Jurassic World, la tête pensante du parc. Le lieu où toutes les décisions sont prises. Situé au Nord-Ouest de l’île, dans la Restricted Area, on y retrouvait les services de sécurité, du marketing, des vétérinaires… C’est un immeuble d’une cinquantaine de mètres de haut avec de longues baies vitrées qui le zèbrent.
          Les architectes, Jules Hawse de Axis Boulder, James Palkey de Timack Construction, ainsi que Eli Jacobs –le concepteur du projet- avaient contribué à définir l’architecture de toutes les infrastructures du parc lors de sa construction de 2002 à 2004. Ils avaient décidé, ensemble, qu’il était primordial que Jurassic World plonge le visiteur dans l’ère préhistorique en créant des bâtiments aux matériaux rappelant la pierre et le bois mais avec des formes modernes.
     Le centre bureaucratique du parc était un exemple très concret de ce parti-pris architectural. Les rebords des baies vitrées étaient en bois provenant des arbres de la jungle d’Isla Nublar qui ont était coupés pour créer de la place, réduisant ainsi les coûts et créant un aspect plus naturel. La structure de l’immeuble était en béton avec des parties bosselées rappelant la pierre et le préhistorique, et des parties plus lisses et nettes pour le moderne.
     Daryl Blake se trouvait à l’arrière du bâtiment. Il faisait beau, chaud et le puissant soleil lui faisait plisser ses yeux marron. Il remit son chapeau. Daryl se trouvait dans un petit espace où des bancs en pierre étaient disposés autour d’une fontaine de taille moyenne. Cet espace était lui-même entouré de fougères, de fleurs multicolores qui produisaient un parfum agréable. Des arbres se dressaient par-ci par-là derrière les rangées de fleurs et créaient des zones d’ombres fraiches. Tous ces végétaux étaient encore humides suite aux pluies de la nuit dernière. Sur le sol en macadam beige, les quelques flaques d’eau commençaient à s’évaporer doucement.
     A quelques mètres de là se trouvait le parking des employés des bureaux. Daryl s’y était garé une demi-heure plus tôt pour rencontrer une énième fois son employeur au sujet de sa future démission. Peter McGonha semblait vraiment tenir à Daryl. Pourtant il n’était qu’un employé lambda parmi tant d’autres ! Pourquoi lui ? Finalement Daryl s’en fichait de l’attitude de son employeur et de cette prolongation. Je vais toucher une grosse prime et enfin retrouver ma famille, se pensa-t-il pendant qu’il marchait pour rejoindre son véhicule de service.
     Il déboucha enfin sur le parking et sortit les clefs de la voiture de sa poche. Le porte-clefs Jurassic World produisait des cliquetis pendant que Daryl appuyait sur le bouton d’ouverture du 4x4 Mercedes Classe G.
     Le véhicule était assez carré, de taille raisonnable et suffisamment confortable pour que Daryl veuille le conduire. Il était peint principalement en gris chromé qui le faisait briller avec le soleil, faisant ressortir son trait horizontal bleu turquoise qui l’entourait au niveau des lourdes portières. Enfin, un petit logo, un le crâne blanc d’un T-rex dans un cercle rempli de bleu azur, était collé sur le trait au niveau des portières avant.
     Le 4x4 Mercedes Classe G était réservé aux membres du personnel du parc qui avaient besoins de faire des longs trajets sur l’île. Fruit du partenariat entre Jurassic World et Mercedes Benz, 1 221 véhicules de cette marque circulaient sur l’île que ce soit pour l’ACU, les vétérinaires, les Rangers…
     Daryl Blake ouvrit la portière du conducteur et entra en s’aidant de la petite marche noire attachée entre les deux roues. Il referma la portière et entra ses clefs dans le contact. Puis il sortit son portable de sa poche droite. Il appuya sur le bouton de déverrouillage du téléphone.
     - « Appel de Mike il y a dix minutes », dit-il en lisant ce qui était écrit sur l’écran. Si Mike m’appelle pendant la réunion ce n’est pas pour rien.
     Daryl porta le portable à son oreille.
     - Oui Mike ?... Oui, je vois que tu m’as appelé pendant ma réunion, qu’est-ce qu’il y a de si urgent ?...
     Daryl poussa un Pff d’exaspération.
     - C’est pas possible, il le font exprès ou quoi ?... Bien, ok, j’arrive, à tout de suite oui.
     Il raccrocha et jeta le portable sur le siège passager à sa droite. Mike l’avait appelé parce qu’il manquait quelqu’un pour surveiller le Gentle Giant Peeting Zoo, le mini zoo où les enfants pouvaient observer et toucher des bébés dinosaures herbivores. Daryl se dit qu’il aurait mieux fait de refuser l’offre de McGonha.
     Qu’est ce qu’il y a de plus soulant que cette attraction ? Rien. Même l'école maternelle de Kathleen –la fille de Daryl- était beaucoup plus calme. Personne ne veut surveiller le Gentle Giant Peeting Zoo, personne ! Y aller rimait avec gros mal de tête à cause du brouhaha incessant des enfants, voix cassée à force de crier à ces gosses qu’il ne faut pas donner à manger aux bébés dinosaures, mal aux yeux en raison du déplacement rapide des enfants et enfin, le Compsognathus sur le gâteau, la chaleur épuisante et écrasante qui régnait. Beaucoup de Rangers postés à cette attraction faisaient des malaises à cause de la déshydratation, ce dit Daryl.
     Il tourna le contact, faisant vrombir le puissant moteur du 4x4.
     - Bon, j’ai 10 minutes pour aller en enfer.

*

Le 4x4 Mercedes Classe G de Darryl se gara dans le parking avec les nombreuses autres voitures du personnel, dans une petite zone réservée au personnel, à côté du T-rex Kingdom et près de Main Street.
     Il descendit, verrouilla le véhicule –même s’il savait que personne ne pouvait le voler ici puisqu’ils se trouvaient sur une île- puis se dirigea vers un large couloir à l’extérieur, bordés de murs en taules beige, attachées à des poutres marrons foncées. Au bout du couloir, Daryl apercevait un portail en bois qui ne servait presque à rien, à part pour laisser passer les véhicules qui nettoient Main Street la nuit, ou encore les camions de livraisons quand le parc est fermé pendant de courtes périodes.
     Daryl Blake atteint alors ce dernier et se dirigea vers une petite porte à droite. Un autre Rangers, Sebastian Gonza, la gardait. Il portait la tenue traditionnelle des Rangers de Jurassic World.
     Celui-ci s’adressa à Daryl avec un petit accent espagnol quand il approcha de lui.
     - Bonjour capitaine Blake ! Comment allez-vous avec ce temps radieux ?
     Daryl eut un petit sourire.
     - Oh ! Vous savez, même s’il fait beau, on n’a jamais le moral quand on va à HellLand ! Dit-il prit d’un fou-rire.
     « HellLand » était le surnom donné au très populaire Gentle Giant Peeting Zoo. C’était l’attraction qui rencontrait le plus de succès, au grand plaisir des Rangers… En constatant cette influence record dans le parc, le service marketing et la direction ont tout de suite sauté sur l’occasion pour sortir de nombreux produits dérivés comme des jouets, des peluches, etc. Un dessin-animé était même sorti il y a quelques années. Ce fut une réussite totale.
     Elle avait ouvert en 2005. Les premiers mois furent difficiles. Les pauvres petits animaux étaient victimes de stress intense suite à l’excitation des enfants. Un bébé Apatosaurus et deux petits Gallimimus avaient fait des crises cardiaques et d’autres souffraient de problèmes de digestion parce que les enfants et les parents les nourrissaient avec des aliments qu’ils ne supportaient pas. Le CA a due trouver une solution très rapidement s’il ne voulait pas que GreenPeace ou d’autres associations luttant pour le bien être des animaux ne se penche sur le sujet. Elle fût alors fermée en 2006, pour laisser le temps de trouver une solution. En 2007, elle ré-ouvrit et il fut alors choisi de durcir les règles de l’attraction en interdisant les visiteurs de nourrir les animaux, le nombre de visiteurs a était limité pour cette attraction pour éviter de stresser les animaux et enfin les bébés étaient « formées » avant d’être introduits.
     Sebastian Gonza ne pu se retenir de rire et ouvrit les deux portes du sas sécurisé. Daryl passa les deux portes et se retrouva dans Main Street.
     - Salut Sébastian ! On se revoit ce soir d’accord ?
     - Pas de soucis capitaine ! Répondit l’employé à l’accent espagnol.
     Pendant que celui-ci ferma la porte, Daryl se retourna et fit face à un gigantesque squelette de Spinosaure !
     Tout doux le p’tit ! se dit-il ; comme s’il domptait le monstre. A chaque fois qu’il passait ici –et Dieu seul sait combien de fois il passe ici chaque jour- Daryl était stupéfait et émerveillait face à cet animal, a tel point qu’il était devenu son dinosaure préféré, juste devant le Tyrannosaurus Rex
     Le Spinosaure mesurait en moyenne 5 à 6 mètres de haut grâce à sa voile. Ce carnivore et piscivore vivait durant le Crétacé et pouvais mesurer jusqu’à près de 18 mètres de long. Le Spinosaurus est très reconnaissable en raison de son crâne qui ressemble énormément à celui du crocodile avec ce long museau qui servait à attraper les poissons dans les rivières, et également avec cette voile –ou crête- qui lui traversait le dos de tout son long.  
     Le squelette du dinosaure dominait les nombreux visiteurs qui faisaient leurs achats dans Main Street.  Plusieurs personnes se prenaient en photo devant le colosse, d’autres s’asseyaient pour trouver de l’ombre et se reposer.
     Le capitaine Daryl Blake s’approcha de lui, son chapeau sur la tête, lunettes de soleil sur le nez. Il tenta de se frayer un chemin dans la foule compacte.
     - Regarde maman, le monsieur a le chapeau d’Indiana Jones ! Dit un garçon lorsque Daryl le frôla.
     Celui-ci se retourna et ne pu s’empêcher de sourire. Le petit garçon, âgé d’environ 7 ans, le fixait, bouche bée, impressionné. Il se colla à sa mère qui le prît dans ses bras.
     Daryl avait beau dire ce qu’il voulait sur les enfants au Gentle Giant Peeting Zoo, il n’empêche qu’il les adorait. C’est même pour cette raison qu’il en avait 3. 2 garçons et 1 fille : Steven, Colin et Kathleen. Il les adorait plus que tout au monde. Ils lui manquaient énormément, il n’avait même pas pu les voir grandir. Steven avait déjà 8 ans, Colin 6 et Kathleen 5. A chaque fois qu’il les voyait, ces derniers couraient et bondissaient vers lui, le sourire aux lèvres. La joie les prenaient tous, les enfants et les parents. Mais ces moments étaient trop courts et ne duraient que 2 à 3 semaines maximum. Ça peut paraître long quand on dit « 2 à 3 semaines » mais non, c’est affreusement court, pensa Daryl. Et la séparation… Elle est horrible, déchirante. Colin et Kathleen pleurent tous les deux dans les bras de leur père. Andrea, sa femme, est presque au bord des larmes elle aussi. Quant à Steven, il ne pleure pas, fait le dur, mais Daryl sait très bien qu’au bout de quelques jours à peine, il pleure en cachette, à l’abri des regards.
     Daryl Blake ne supportait plus ces moments troublants, qui lui montaient à la tête tous les jours depuis 6 ans. C’est pour ça qu’il voulait démissionner et retourner chez lui avec ses enfants et sa femme, à Washington. Il travaillerait au zoo, il ferait moins chaud et il verrait sa famille tous les jours. Matins et soirs. La belle vie quoi.
     Il fût alors chassé de ses pensées par une femme, portant son sac à main avec l’intérieur du coude. Elle s’excusa et partit comme elle était arrivée. Il continua la traversée de Main Street, il devait aller juste en face pour rejoindre une petite rue qui le mènerait à l’attraction. Après avoir bousculé plusieurs personnes –et excusé, évidemment- et croisé 3 collègues en patrouille, il atteignit enfin son objectif. Cette rue était moins bondée mais quelques visiteurs allaient et venaient sous le soleil implacable.
     Après quelques mètres à marcher, l’entrée du Gentle Giant Peeting Zoo lui faisait face. Mon Dieu ! La situation est pire que je ne l’aurais imaginé ! Se dit-il en observant l’immense file qui s’étirait bien avant l’entrée. Plus loin dans la rue Daryl pouvait voir le Centre Aquatique avec ses nombreuses piscines et toboggans. L’attraction semblait elle aussi victime de son succès. Une longue file d’attente s’étendait jusqu’à se mêler à celle du Gentle Giant Peeting Zoo. Pas étonnant avec cette température, tout le monde veut se rafraîchir.
     L’entrée de l’attraction des bébés dinosaure était assez sympathique au goût de Daryl. De faux rochers beiges formaient une sorte de voûte. Quelques petites lianes tombaient et serpentaient de cette structure en béton armé. Un panneau de 2 mètres de haut, situé à gauche de l’entrée, indiquait les règles de l’attraction dans différentes langues, avec des caractères blancs sur fond bleu turquoise. A droite avait été installé un panneau informatif qui diffusait en temps réel le temps d’attente pour l’attraction. Il indiquait pour l’instant 45 longues minutes pour les touristes.
     Le capitaine Blake avança à la rencontre des visiteurs.
     - S’il vous plait, collez vous bien contre le mur situé sur votre droite pour bien laisser circuler les autres personnes, merci !
     Sa voix était assez apaisante même s’il elle laissait paraître un peu de fermeté. Si tu ne leur montres pas qui domine, alors c’est eux qui te domineront. C’était la phrase qu’avait prononcé son formateur quand il avait été embauché il y a 6 ans. Et il avait raison ! Les gens ont tendance à se prendre pour des rois mais ils oublient les règles de sécurité. Ils pensent qu’elles sont là que pour punir et payer des amendes alors que, sans elles, ça serait l’anarchie dans le parc…
     Tout le monde se colla contre le mur, certains sans discuter d’autres en grognant que ce n’est pas normal car non seulement on les fait patienter longtemps sous le soleil, et en plus parce qu’on leur donne des ordres. Je ne comprends pas, je l’ai dit gentiment et poliment mais ils ne sont pas contents. Si seulement il existait un manuel, un guide sur les visiteurs… Pensa-t-il en s’approchant de la voûte en fausse roche.
     Il doubla en suite la file dans le petit chemin qui zigzaguait dans une petite végétation et passa sur la gauche du tourniqué qui permettait de réguler le flux de touristes dans l’attraction. Il entendit alors quelques plaintes derrière son dos et fit mine de n’avoir rien entendu. Le chemin s’élargit enfin et il déboucha dans un grand espace où tout le monde se bousculait contre les barrières en verre et en bois.
     Daryl décrocha le talkie-walkie qui portait à sa ceinture et le porta à sa bouche. Il appuya sur un bouton qui produisit un petit grésillement.
     - Mike ? Ici Daryl, tu me reçois ?
     - Oui je vous reçois capitaine, lui répondit une voix assez grave.
     - Arrête de m’appeler « capitaine », je pense que tu me connais assez pour m’appeler « Daryl », dit-il fermement.
     - Je sais, je te charrie c’est tout, lui indiqua Mike en rigolant.
     Daryl poussa un Pff pour montrer que ça ne l’amusait pas.
     - Tu te trouves où ? Demanda-t-il.
     - Euh… Juste à l’entrée de la zone où se trouve le mini-zoo.
     - Ok, reçu, je te rejoins.
     Daryl lâcha son doigt du bouton et un second grésillement retentit. Il prît ensuite la direction indiquée en longeant une petite file qui s’était formée pour toucher, caresser les bébés dinosaures.
     Il arriva au bout de la file et fut accueillit par Mike. Il portait la même tenue que Daryl sans les épaulettes marron car elles étaient réservées aux capitaines. Il ne portait pas non plus de chapeau, exhibant alors son crâne luisant au soleil. Ses lunettes de soleil avaient de fines branches noires métalliques, un peu comme celles que portes les soldats américain dans des  films sur la guerre du Vietnam. Ses verres noirs ne laissaient paraître que le reflet de ce qu’il voyait, c’est à dire Daryl.
     Pendant que celui-ci s’approchait de lui, Mike ouvrit grand les bras.
     - Voila le patron ! Dit-il si fort que les deux visiteurs qu’il avait autorisé à passer, un père et son jeune fils, se retournèrent étonnés.
     - Non, le patron c’est McGonha, pas moi. Répondit Daryl, impassible.
     - Tu veux dire cet arabe, qu’on voit partout sur les photos pour la direction alors qu’il n’est jamais sur le terrain ? Il vient d’où déjà ?
     - Irak mais il est né aux Etats-Unis.
     Daryl avait les mains sur les hanches et regardais autour de lui, guettant la moindre anomalie, le moindre problème.
     - Paradoxal. Y a pas à dire, les irakiens sont fait pour les diktats, fit Mike, arborant un large sourire.
     - Et bien, c’est la fête de l’amalgame dit donc, lui rétorqua Daryl, visiblement pas amusé par la boutade.
     - Allez ! Un peu d’humour bon sang ! Qu’est-ce qu’il y a ? Saddam Hussein a refusé ta démission ?
     - Ecoute Mike, je ne suis pas la pour rigoler… Mais oui il a refusé en me proposant quelques semaines –ou mois- de plus en échange d’une bonne prime. Je ne sais pas comment je dois le prendre.
     - Si t’as une prime, c’est forcément bon !
     Mike frappa sa main contre l’épaule de Daryl et le secoua en signe de réconfort.
     Les deux Rangers se tenaient debout, faisant passer les visiteurs. Ils se tenaient face à la petite « cour » pleine de poussière. Elle était en arc de cercle et des arbres étaient plantés à quelques endroits.
     C’était l’anarchie ! Les enfants couraient partout, d’autres sautillaient, il y en avait même un qui courrait après un bébé Gallimimus. Le pauvre essayait de fuir à ce prédateur, pourtant âgé de 8 ans, en zigzagant à travers les autres enfants et autres bébés Apatosaures et Tricératops. Ailleurs, des enfants chevauchaient des bébés Tricératops scellés pour l’occasion. Les enfants semblaient heureux, caressaient leurs montures sous la collerette les faisant pousser des petits bruits de plaisir et secouer leur petite tête avec une corne au centre. Un bébé Apatosaure se faisait caresser son long cou à la peau reptilienne, il frotta ensuite sa petite tête contre l’épaule de la petite fille. Elle regardait ses parents avec un grand sourire et continuait à caresser le dinosaure.
     Et dire que dans quelques mois il sera géant ! Se dit Daryl en observant la scène. Finalement malgré l’anarchie qui régnait dans la « cour », les enfants, les dinosaures et les parents avaient l’air heureux. Sauf eux, les employés. Pourquoi ? Les conditions de travail… Et ça ce n’était pas précisé sur les brochures distribuées aux visiteurs, ni sur les fiches de recrutement.
     Soudain, un cri. Celui d’un enfant. Daryl scruta la « cour » de gauche à droite, de dinosaures à enfants. Son regard s’arrêta sur un garçon pleurant et se frottant le genou droit. Ses parents accoururent, paniqués.
     - Ne courrez pas s’il vous plait ! Vous allez faire paniquer les animaux, cria Daryl en s’approchant d’eux.
     Ils se mirent alors à marcher d’un pas vif vers leur progéniture, qui les regardait les yeux larmoyants.  
     Que s’était-il passé ? Daryl ne le savait pas mais il n’y avait rien de grave.
     En tout cas pour l’instant…


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